15. septembre 2021

Le bois: entre conscience écologique et économique

Certains indicateurs ne mentent pas : les prix des matériaux ont pris l’ascenseur, le prix du bois ne fait pas exception, comme celui des sciages finlandais qui ont augmenté de 57 % depuis le début de l’année. Celui du bois aux États-Unis se maintient à des niveaux élevés, même si leffet pandémie (moins de voyages, plus dargent pour financer des travaux chez soi, bâtir à la campagne) n’opère plus. Larticle du Financial Times[1] sur la croissance de la demande en bois de construction présente un intérêt supplémentaire : il révèle à quel point le bois est devenu un matériau globalisé. Dans ce contexte comment la filière suisse tire-t-elle son épingle du jeu ? Le bois suisse, présent en abondance, a-t-il profité de la bulle pour se revaloriser ? Comment les architectes, ingénieurs et constructeurs suisses appréhendent-ils les leviers de la durabilité dans leurs projets ?

Texte: Comité des Rencontres Romandes du Bois

Certains se demandent encore si ce bois globalisé qui traverse parfois les océans pour être transformé est toujours en phase avec le récit de transition écologique qui en justifie la demande croissante. La réponse est simple. Il est reconnu que le matériau bois présente un bilan d’émissions de gaz à effet de serre et d’énergie grise largement inférieurs à ceux du béton armé ou de l’acier. Cet avantage initial doit être poursuivi par une approche globale de la construction, favorisant les circuits courts et respectueux, évitant les solutions complexes, afin que les choix retenus pour l’acte de construire ne péjorent pas le résultat environnemental global de l’objet construit. La récente crise du marché international a accéléré cette tendance en rapprochant les différents acteurs de la filière suisse, mus par des difficultés d’approvisionnement que les liens régionaux et durables ont pu atténuer.

Sous-exploitation suisse

Les forêts suisses présentent en effet une sous-exploitation importante depuis plusieurs décennies (2) qui permet d’envisager une augmentation de production locale. Cette situation s’explique par différents facteurs. Le trop faible prix du bois au départ de la forêt mis en concurrence avec des bois étrangers largement subventionnés, ainsi que les coûts d’exploitation et de transport en Suisse, en pénalisant la ressource locale, n’incitaient pas les propriétaires à exploiter leurs ressources. Les propriétaires forestiers suisses, solidaires de la filière, n’ont adapté leurs prix que de manière raisonnée au vu de la situation internationale, mais ce signal doit initier à terme une revalorisation durable de la ressource bois.

Bois concurrentiel

Sur le plan technique, le bois est engagé dans une sorte de compétition car il est capable de faire aussi haut et aussi rapide que l'acier et le béton. Mécaniquement, tout semble possible, tant en termes de portée que de résistance. Sur le plan légal, la Suisse fait également figure de pionnière. Depuis 2015 il n’y a plus de limite de hauteur. La plus haute tour en bois de Suisse dépassera les 80 mètres de haut, et la Tour Malley, en suisse romande, atteindra 60 mètres ce qui était inimaginable il y a 20 ans.

Cette course à la performance ouvre des perspectives nouvelles qui permettent de répondre à l'engouement pour le bois dans la construction et aux attentes des villes qui se veulent plus saines, moins gaspilleuses de nos ressources énergétiques. Outre les mentalités, la Loi fédérale sur les marchés publics révisée (LMP) garantit toujours l’ouverture du marché mais offre également davantage de possibilités avec une concurrence aussi axée sur la qualité des prestations. Dans le cadre des « critères d’acceptation », on tient compte du développement durable aussi dans ses dimensions environnementale et sociale ainsi que des coûts du cycle de vie.

Si le bois doit jouer un rôle dans la transition vers une société à faible émission de carbone, nous ne devons pas hésiter à promouvoir encore davantage l'utilisation du bois local. Mais nous devons également apprendre à construire autrement, soit en utilisant des produits moins transformés, soit en les transformant plus localement. Ainsi, le recours au bois brut, le réemploi ou la combinaison des matériaux ne doit plus être le seul choix des puristes. Apprendre à travailler avec ce qui existe déjà, et pas seulement avec des matériaux neufs et prêts à l'emploi, est un véritable défi pour la construction en général, tout comme pour la filière bois.

Appel au changement

On l’a bien compris, promouvoir le bois en général ne suffit plus. Les options qu’offre du bois dans la construction sont plus nuancées qu'on ne le pense. Il faut aller au-delà de l'image générique du bois et développer la capacité des professionnels et des consommateurs à distinguer et évaluer ces différentes options sur des critères autres qu'économiques. Il est également important de mettre en avant les solutions les plus vertueuses en termes d'écologie. Dans le bois, comme ailleurs, il existe des produits "locaux", "biologiques", des produits industriels hautement transformés ici ou ailleurs ainsi que des mises en œuvre plus ou moins favorables au bilan environnemental. Une gradation que les labels, comme le Label Bois Suisse, valorisant l’utilisation de bois local et le recours aux entreprises suisses, permettent de qualifier.

Le bois peut être une clé de l'émancipation politique des communautés d'habitants. Il peut devenir un gage pour permettre aux gens de prendre part à la configuration de leurs espaces de vie et de travail. Architectes et constructeurs peuvent imaginer de nouvelles formes de modularité de l'habitat qui s'appuieront sur les caractéristiques techniques du bois. Le bois pourrait nous aider à évoluer collectivement vers des formes de construction mieux adaptées aux enjeux économiques et qualitatifs qui s’annoncent.

Autant de réflexions qui seront menées lors des rencontres romandes du bois ’21 des 7, 8 et 9 octobre au Musée olympique de Lausanne - www.rrb21.ch

 

Personnel, rapide et direct

Vous voulez connaître nos objectifs ? Abonnez-vous à notre newsletter! Pour toute question, le siège central de Cadres de la Construction Suisse se tient volontiers à votre disposition.

Cadres de la construction proche de chez vous

Nos sections forment le réseau régional, favorisent la sociabilité et se tiennent à disposition pour répondre aux questions.

S'abonner à la newsletter